[ État critique des services publics ]
Pour répondre à l’urgence, tous les paliers de gouvernement acceptent de faire équipe avec les acteurs privés. On peut penser aux agences de placement de personnel qui font directement compétition aux emplois offerts dans le réseau public, en offrant parfois de meilleurs salaires et des conditions de travail plus flexibles. C’est le cas en santé, dans les écoles avec les spécialistes, et dans les CPE, où les éducatrices sont présentement en négociation.
Lumière sur les aîné.es
En raison des risques accrus de complication face au virus, les conditions de vie de certaines personnes aînées ont été particulièrement médiatisées au cours des derniers mois. Les ratés dans la gestion des CHSLD publics comme dans les résidences privées (RPA), aussi bien que les obstacles au maintien à domicile, ne laissent personne indifférent. D’ailleurs, Anne Plourde, de l’IRIS, nous éclaire sur la mainmise de grandes compagnies privées sur le secteur de l’hébergement pour aînés.
Partenariats publics-privés (PPP)
C’est dans ce contexte que se déploient des partenariats publics-privés (PPP). Pensons au PPP social qui existe toujours entre le gouvernement du Québec et la Fondation Chagnon (FLAC), semblable à Québec en Forme et Avenir d’enfants, en ce sens qu’il est inscrit dans une loi provinciale, avec l’Appui pour les proches aidants. À la suite du dépôt de la Politique nationale pour les personnes proches aidantes et dans l’attente du plan d’action prévu prochainement, le milieu communautaire craint que le gouvernement de la CAQ décide d’accorder d’importants financements à l’Appui pour les proches aidants pour que cet acteur philanthropique gère les fonds publics, alors que des mécanismes de répartition existent dans l’appareil d’État, notamment par le mode de financement à la mission globale. Le manque d’imputabilité qui en résulte nous inquiète grandement.
Le développement de la gériatrie sociale, soutenu entre autres par la Fondation Saputo, constitue un autre exemple. La Fondation AGES se veut le pont entre les CIUSSS et le milieu communautaire, ce qui dédouble les concertations aînées existantes et affaiblit la voix des représentant.es mandaté.es par le milieu. La Croix-Rouge déploie également des actions dans les communautés, sans égard aux acteurs communautaires actifs sur le terrain depuis des décennies, en partenariat avec certains CIUSSS, en remplaçant des initiatives issues de la communauté par des modèles d’intervention universels, dépassant ainsi largement son mandat d’intervention en situation de crise.
Contribuer à la société en payant ses impôts
Deux récents articles de presse critiquent la légitimité des acteurs philanthropiques qui, en plaçant leurs avoirs à l’abri de l’impôt dans des fondations, privent l’État d’importantes sommes, tout en profitant de l’image de « sauveurs » de l’État affaibli et des populations dans le besoin, en redonnant une infime part de leur argent, ne touchant presque pas leur capital. Ils ont, de surcroît, le luxe de choisir leurs causes et les critères de redistribution des fonds, ce qui est particulièrement inquiétant dans une perspective de justice sociale et de démocratie. Le RIOCM et des regroupements sectoriels montréalais ont réactivé leurs travaux sur les nouveaux PPP sociaux et l’influence des fondations sur le milieu communautaire. Des actions seront annoncées au cours des prochains mois en vue de réaffirmer l’autonomie des groupes communautaires et prôner l’importance de réinvestir dans le réseau public.
La sous-traitance imposée au milieu communautaire
Le milieu communautaire s’enthousiasme généralement de l’arrivée de nouveaux financements. Mais devant la multiplication des financements très balisés orientés vers les services, des groupes s’inquiètent pour leur autonomie et se sentent instrumentalisés. Privilégiant de grandes organisations pouvant déployer massivement des services dans l’octroi des fonds, le gouvernement concentre les financements dans des groupes régionaux ou nationaux, au détriment des groupes locaux déjà présents sur le terrain. S’installe alors une forme de « compétition » sur certains territoires qui, franchement, ne sert absolument personne, surtout pas les personnes visées par les actions.
De plus en plus, on oriente les personnes en attente de services publics vers les groupes communautaires, bien qu’ils n’offrent pas toujours les services dont les personnes référées ont besoin. On confine les groupes à un rôle de fournisseur de services, au détriment de leur mission de transformation sociale. Le gouvernement ne peut transférer ses responsabilités aux groupes communautaires, qui ne sont pas des sous-traitants, quand bien même il les financerait suffisamment afin qu’ils puissent offrir des conditions de travail compétitives avec celles du réseau public.
Les groupes demeurent critiques face au désengagement de l’État et s’inquiètent pour leur indépendance.