La petite histoire des fonds d’urgence généralistes du PSOC

Depuis le début de la pandémie et sans relâche depuis, les groupes communautaires se sont mobilisés afin de répondre aux besoins engendrés par la crise sanitaire et sociale. Les médias ont couvert le travail des organismes sur le terrain. Les appels à l’aide se sont multipliés. Le gouvernement du Québec a été interpelé à de nombreuses reprises. En plus de fonds sectoriels (santé mentale, violence conjugale, banques alimentaires), deux fonds généralistes destinés aux groupes admis au PSOC, qui comprend 26 secteurs, sont rendus disponibles durant la première année de la pandémie.

 

Un fonds d’urgence insuffisant pour la première vague

Le gouvernement annonce au mois d’avril 2020 un premier fonds d’urgence pour l’ensemble des groupes soutenus au PSOC. Il souhaite savoir à combien se chiffrent les besoins. En quelques jours, les fonctionnaires du CIUSSS du Centre-Sud de Montréal et les regroupements régionaux se mobilisent afin de rejoindre tous les groupes (530) en quelques jours. Un questionnaire leur est envoyé. La totalité des besoins est légèrement supérieure à 5 millions (M$) PAR MOIS. Québec n’enverra pourtant que 5,3M$ pour couvrir la période du 13 mars 2020 et le 30 juin 2020. Les besoins des groupes montréalais ne sont donc que très partiellement couverts.

Les dépenses admissibles au fonds doivent servir à maintenir, adapter ou augmenter les activités, en lien avec la crise. Ces critères permettent à la plupart des groupes d’y avoir accès. Les groupes ont donc l’agilité nécessaire afin de s’adapter à la réalité changeante.

Rapidement, les regroupements montréalais se mobilisent afin de faire valoir les besoins supplémentaires auprès du gouvernement. On nous dit alors qu’un deuxième fonds est en cours d’élaboration.

 

Un 2e fonds bien garni, mais inaccessible

En août 2020, le gouvernement annonce une enveloppe de 70 M$ pour les groupes communautaires soutenus au PSOC, dont 36 M$ pour la région montréalaise. Le hic toutefois : l’objectif du fonds est uniquement de compenser les pertes de revenus subies par les groupes. Impossible, donc, de faire financer la réponse aux besoins supplémentaires de la population ou l’adaptation aux mesures sanitaires. Des représentations sont alors faites afin de dire au gouvernement que le fonds n’est pas en lien avec l’ensemble des besoins.

Les obstacles administratifs s’avèrent nombreux : comment les groupes peuvent-ils démontrer qu’ils devaient recevoir des fonds qu’ils n’ont pas reçus? Comment prouver que quelque chose n’existe pas? Le MSSS fait alors volte-face et annonce que, pour avoir accès à l’argent, les groupes devront déposer des « déficits » d’opération pour la période du 13 mars au 30 septembre 2020. Cette décision soulève un tollé et dès lors, on dénonce le fait que très peu de groupes pourront y avoir accès. En effet, les groupes ne peuvent pas avoir dépensé de l’argent qu’ils n’avaient pas.

Québec prend son temps et ce n’est que fin novembre qu’il procède enfin et que les groupes sont invités à déposer une demande, pour le 4 décembre. Rappelons ici que les fonds doivent couvrir la période se terminant au 30 septembre précédent… Les groupes qui souhaitent déposer une demande doivent alors remplir un gabarit financier présentant l’ensemble de leurs revenus et dépenses pour la période couverte (et terminée).

Seulement 107 groupes déposent une demande (sur un potentiel de 531), totalisant 6,15 M$. Ce chiffre ne représente en rien les besoins, puisque le processus de demande excluait d’emblée la plupart des groupes!

Les groupes auront leur réponse à la fin février 2021 et l’argent sera versé aux groupes montréalais à la fin mars 2021, quelques jours avant la fin de l’année financière! Certains groupes en région devraient recevoir l’argent… en juin 2021!

À Montréal, 40 demandes ont été refusées. 3,3 M$ seront donc attribués à 67 groupes de Montréal, 7 M$ en tout pour l’ensemble du Québec.

Sans relâche, les groupes et les regroupements continuent de revendiquer l’accès au 63 M$ restant. Québec répète qu’il « réfléchit ». Quelques semaines avant la fin de l’année financière, Québec nous dit que les millions n’ayant trouvé preneurs, ils n’existent plus. Le cabinet du ministre Carmant nous indique d’ailleurs que c’est parce que les groupes n’en ont pas besoin.

Dans le budget du mois de mars 2021, on mentionne que des fonds d’urgence pourraient être disponibles si des besoins étaient démontrés. Nous nous manifestons sur-le-champ. La question sera également posée au ministre durant l’étude des crédits. Il répondra qu’il demeure ouvert s’il y a des besoins, alors que les besoins ont été démontrés, expliqués, illustrés à des multiples reprises en 2020-2021, mais complètement ignorés par le gouvernement. Selon un sondage réalisé par le RIOCM en avril 2021, 76% des groupes montréalais ont besoin de 15 M$ en fonds d’urgence pour l’année 21-22. Mais le ministre continue de nier l’existence du besoin.

Sur le peu de nouveaux investissements en crédits récurrents (mission) au PSOC du budget 2021-2022, on nous répond que le fait que 63M$ soit restés sur la table est une preuve que les groupes n’ont pas besoin d’argent.

Si les groupes communautaires étaient suffisamment financés à la mission (le seul mode de financement récurrent), les fonds d’urgence ne seraient pas nécessaires, ou bien moins. Mais devant le sous-financement chronique des groupes et les besoins criants de la population montréalaise, qui ne disparaîtront pas magiquement avec la vaccination, des fonds d’urgences suffisants et flexibles sont nécessaires dès maintenant.

 

Pour lire les commentaires des groupes recueillis lors du sondage :