[Lettre ouverte des regroupements d’organismes communautaires en santé et services sociaux de Montréal publié dans le Journal de Montréal]
Ça va mal. Nous en convenons, c’est une façon peu originale de commencer une lettre ouverte.
Mais voilà notre constat, sans flafla. La situation dans tous les secteurs du milieu communautaire est critique. Pas un jour ne passe sans que les organismes communautaires décrient les crises qui forcent trop de personnes à vivre dans des situations de misère inhumaines.
De plus en plus de personnes ne sont plus en mesure de répondre à leurs besoins de base comme se nourrir, se loger, se soigner, vivre en sécurité. Leurs conditions de vie se détériorent à vitesse grand V. C’est une situation intenable qui se déploie devant l’indifférence la plus totale de nos gouvernements.
Besoins qui augmentent
Les organismes communautaires travaillent avec des personnes qui ne parviennent pas à accéder aux services publics. Il est question ici de personnes bien réelles que le système a abandonné à maintes reprises, alors qu’il devrait agir pour limiter la dégradation des conditions de vie de tous et toutes. Or, contrairement à son titre, le récent budget déposé par la CAQ est loin d’incarner les orientations d’un « Québec engagé ». Et force est de constater que ce n’est pas le fédéral qui viendra combler les lacunes. Les dommages pour la population montréalaise seront particulièrement importants.
Non seulement les budgets de nos gouvernements ne présentent aucune mesure permettant d’améliorer véritablement les conditions de vie des personnes, mais les organismes communautaires sont encore complètement laissés à leur sort face aux besoins qui augmentent et se complexifient. Dans leur rôle d’accueil et de soutien aux personnes les plus vulnérabilisées, les organismes communautaires doivent composer avec les maigres moyens qu’on leur saupoudre ici et là. Le budget provincial prévoit un maigre rehaussement du financement de base de 36 M$ pour les 3 000 organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux au Québec, alors que les besoins s’élèvent à 370 M$, dont 110 pour Montréal. Rappelons que Montréal a été l’épicentre de la pandémie et en subit encore les conséquences.
Bras de fer
À cela s’ajoute un bras de fer entre le fédéral et le provincial, puis entre Québec avec la Ville de Montréal, à savoir à qui la responsabilité revient. Les organismes communautaires se retrouvent coincés entre l’arbre et l’écorce. Dans ce bras de fer, les vrais perdants sont les personnes les plus vulnérables. Au fédéral comme au provincial, aucun nouvel investissement réservé au logement social n’est prévu cette année, alors que la crise du logement frappe de plein fouet.
Nous accueillons dans nos ressources des gens que nous n’avons jamais vus avant. Nos gouvernements avaient l’occasion de reconnaître que nous faisons partie de la solution, que nos voix sont entendues et notre rôle est valorisé. Vous comprendrez donc notre colère de constater leur désengagement dans leur fonction de protecteur des personnes démunies. Legault et Trudeau font le pari du déni : laisser les institutions publiques se dégrader et ignorer la détresse vécue par les personnes en situation de pauvreté. Les organismes communautaires savent trop bien où mènera ce pari : à plus de détresse, à plus d’exclusion, à plus de personnes cherchant des ressources d’aide.
Notre inquiétude est bien réelle. La situation demande de la solidarité humaine, du courage politique et des actions audacieuses. Une occasion ratée cette année. Meilleure chance la prochaine fois?
Marie-Andrée Painchaud, Coordonnatrice du Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)
Diana Lombardi, Coordonnatrice du Réseau d’action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS)
Annie Savage, Directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
Olivier Gauvin, coordonnateur de la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le VIH/sida (TOMS)
Gilles Fontaine, Directeur général du Comité régional sur l’autisme et la déficience intellectuelle (CRADI)
Maryse Bisson, Directrice générale Coalition pour le maintien dans la communauté (COMACO)
Anne Pelletier, Directrice générale du regroupement des organismes en déficience physique de l’île de Montréal (DéPhy Montréal)