Bilan de l’automne dans la foulée des mises à jour économiques

L’automne a été marqué par la deuxième vague de la pandémie et l’actualité politique jalonnée par le dépôt du budget 2021 de la Ville de Montréal et les mises à jour économiques des gouvernements du Québec et du Canada. Le gouvernement de François Legault a surtout insisté sur son plan de relance économique qui teinte également son plan vert.

Bien que les gouvernements du Québec et du Canada aient beaucoup dépensé pendant la dernière année de crise et accumulé d’imposants déficits, ils pourraient être de retour à l’équilibre budgétaire d’ici quelques années. Pour le gouvernement du Québec, cela demeure une priorité. L’atteinte de cet objectif est conditionnelle à un contrôle des dépenses, d’un côté et, de l’autre, à une augmentation des revenus, de deux façons : par la revitalisation de l’économie et la hausse du financement fédéral en santé. Les dépenses en santé constituent depuis longtemps le poste budgétaire le plus important du gouvernement provincial. Comme l’augmentation des revenus est incertaine, plusieurs craignent un retour à l’austérité. Si les élus disent exclure d’envisager des coupes budgétaires dans les services publics, une question demeure : quel est le coût social d’un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 5 ans ? Il faut rappeler aux gouvernements l’importance de ne laisser personne derrière. Le statu quo ou le contrôle des dépenses, notamment en santé et services sociaux, est impensable dans la situation actuelle.

 

Inégalités systémiques

La crise a fait apparaître très clairement les failles du filet social et un réseau public à bout de souffle et reproduisant les inégalités systémiques en laissant un nombre incalculable de personnes et de familles dans le besoin. Le gouvernement de François Legault refuse pourtant de reconnaître l’existence d’une crise en santé mentale et même du racisme systémique, subi par les personnes racisées et à statut d’immigration précaire autant que par les personnes issues des Premières Nations. Plusieurs initiatives de l’automne pressent le gouvernement à agir, comme les mobilisations autour du sous-financement des organismes de Montréal-Nord, du dé-financement de la police, pour la régularisation du statut des « anges gardien.nes » (personnes demandeuses d’asile ayant travaillé dans le réseau de la santé lors de la pandémie de COVID-19), sans oublier le Principe de Joyce visant à garantir aux Autochtones un traitement sécuritaire et exempt de discrimination dans les soins de santé et les services sociaux. La crise sanitaire se poursuit et ses effets sur les populations se perpétuent. Bien que d’importantes mesures soient mises en place pour les contrer, celles-ci n’arrivent pas à répondre à l’ensemble des besoins, tant les conditions préexistantes sont nombreuses et les investissements publics insuffisants. De plus, il y a une incohérence entre l’aspect structurel des problèmes et la réponse ponctuelle et ciblée.

 

Itinérance

Le plan de mesures hivernales de la Ville de Montréal en matière d’itinérance était très attendu, en raison des crises sanitaire, du logement et des opioïdes qui ont dégradé les conditions de vie de nombreuses personnes en situation d’itinérance et de marginalité. De plus, la capacité d’accueil des ressources existantes a été réduite en raison des mesures sanitaires. La création de nouvelles places dans les refuges, notamment par la conversion de l’Hôtel Place Dupuis, et l’augmentation du nombre de haltes-chaleur, enfin implantées dans des quartiers plus éloignés du centre-ville, étaient indispensables. Toutefois, ces solutions restent ponctuelles. Plusieurs réclament des initiatives plus diversifiées et sur le long terme afin de s’attaquer aux causes. La situation des irréductibles du campement Notre-Dame prouvent que ces alternatives ne sont pas satisfaisantes pour tous.

 

Pauvreté et isolement

Cet automne, nous avons appris la prolongation de certaines mesures d’aides pour soutenir, entre autres, les chômeurs et chômeuses, comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) prolongée sous la forme de la Prestation canadienne pour la relance économique (PCRE) et la subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC). Toutefois, la prolongation des consignes visant à réduire au maximum les contacts sociaux fait progresser certains défis associés à l’isolement social. Nous pouvons penser à la détérioration de la santé physique et mentale, les violences conjugales et familiales, l’augmentation des difficultés financières, etc. À l’approche des fêtes, les demandes en lien avec les besoins de base, notamment l’aide alimentaire, demeurent élevées. Plusieurs nous alertent aussi de l’augmentation exponentielle de la détresse psychologique au sein de plusieurs catégories de population : jeunes, femmes, parents, personnes seules, personnes en situation de pauvreté, etc.

Des financements à la mission globale limités dans le temps

Pour répondre aux besoins criants des organismes communautaires, plusieurs annonces d’investissements ont été faites cet automne. Toutefois, ceux-ci sont encore une fois limités dans le temps. Par exemple, le nouvel investissement de 85 M$ pour les organismes communautaires famille (OCF). Il contribue à réduire le manque à gagner en matière de financement à la mission globale en assurant minimalement 130 000 $ par année pour chaque OCF. Une excellente nouvelle qui est toutefois assombrie par l’horizon limité du financement à 5 ans alors que les OCF réclament bien évidemment un financement récurrent.

 

Centraide du Grand Montréal a également sonné la fin de la récurrence du financement à la mission globale avec l’annonce de la révision de sa stratégie d’investissement (Webinaire sur la Stratégie d’investissement de Centraide du Grand Montréal). Sans détailler les nouvelles modalités d’attribution de ses fonds, la fondation souhaite miser dès avril 2022 sur des financements limités à quelques années et répartis en fonction d’indices populationnels et de défavorisation. Nous restons à l’affût en espérant que la nouvelle stratégie d’investissement se précisera rapidement. Cette annonce plonge l’ensemble des groupes soutenus actuellement par Centraide dans l’incertitude quant au maintien de leur financement au-delà de la période de transition d’un an.

L’arrivée d’un vaccin ne mettra pas fin instantanément à la crise sanitaire ni aux crises économique et sociale qui l’accompagnent. Les demandes d’aide croissantes de la population continueront de faire pression sur les organismes alors que leurs possibilités d’autofinancement se rétrécissent. Les dons privés comme ceux des fondations se tarissent puisqu’ils proviennent des mêmes bourses. C’est la limite du financement philanthropique, qui n’est pas une solution viable au déficit de financement public récurrent à la mission globale.