Quoi retenir de la dernière mise à jour budgétaire du gouvernement du Québec

L’automne est l’occasion pour le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, de déposer un bilan de la situation économique du Québec et, parfois, d’annoncer quelques investissements supplémentaires. Voici les mesures qui ont retenu notre attention, puisqu’elles visent à répondre à certaines crises sociales (logement et itinérance, insécurité alimentaire, faible revenu). Elles méritent toutefois d’être analysées de plus près pour estimer les impacts sur les populations les plus vulnérabilisées.

Les mesures d’intérêt pour les populations précarisées :

  • 15,5 millions (M$) pour l’hébergement d’urgence dans l’ensemble du Québec, dont 9,7 M$ à Montréal
  • 1,8 milliard (G$), dont 900 M$ en provenance du gouvernement fédéral, pour construire 8000 nouveaux logements, dont 500 pour les personnes en situation d’itinérance
  • 20,8 M$ pour lutter contre l’insécurité alimentaire, dont 10 M$ pour les banques alimentaires du Québec

Pourquoi ces mesures sont-elles insuffisantes?

Itinérance 

Le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) fait remarquer qu’il aurait fallu un investissement de 40 M$, exclusivement à Montréal, pour maintenir l’offre actuelle qui ne répond pas aux besoins croissants. Il faut aussi dire que l’hébergement d’urgence est une aide de dernier recours, notamment en période hivernale. Si la récurrence du financement est bienvenue, le RAPSIM déplore que le gouvernement n’ait pas cru bon investir dans la prévention, par exemple en rehaussant le financement à la mission des organismes en santé et services sociaux qui agissent en amont pour accompagner les personnes fragilisées et marginalisées. Il en est de même pour les logements réservés pour les personnes en situation d’itinérance qui ne sont malheureusement pas accompagnés de financements pour soutenir l’intervention. 

Logement 

Une autre mesure indispensable pour agir en prévention est l’amélioration de l’accès à un toit, à prix raisonnable. Les sommes annoncées dans la mise à jour économique sont issues d’une entente enfin conclue avec le gouvernement fédéral sur le logement; des sommes que le gouvernement de François Legault s’était engagé à consacrer au logement social.  La réjouissance fut de courte durée puisque le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) ne garantit pas la construction de logements sociaux. D’une part, les retombées escomptées pour les ménages les moins nantis sont très faibles puisque les logements dits « abordables », au prix médian du marché, sont totalement inaccessibles pour eux. D’autre part, les propositions de changements législatifs de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, font reculer les droits des locataires (refus de cession de bail sans motif valable, dépôt de garantie pour animaux domestiques, etc.). Finalement, 6000 unités de logements sociaux et communautaires, annoncés depuis longtemps par la CAQ avant la mort du programme AccèsLogis, se font toujours attendre. Le FRAPRU rappelle que la liste d’attente pour accéder à un HLM s’élève à 40 000 ménages. Les agissements de la CAQ jettent donc une ombre sur ces annonces d’investissements qui ratent leur cible.

Sécurité alimentaire 

Depuis la pandémie, les demandes d’aide alimentaire explosent. Les nombreux fonds d’urgence ponctuels accordés par les gouvernements visent surtout l’achat de denrées alimentaires, tout comme les sommes annoncées par Québec dans sa mise à jour. Si l’on ne considère que cet aspect du problème, la somme annoncée est loin de répondre aux besoins des grandes banques alimentaires. Encore une fois, les décideurs ne considèrent pas le travail essentiel des groupes communautaires qui sont sur le terrain et responsables de la logistique et de la distribution des paniers alimentaires aux familles. Le sous-financement chronique des organismes œuvrant en sécurité alimentaire est critique.

Revenus des ménages

Une des mesures structurantes permettant à chacun de couvrir ses besoins de base est l’augmentation du revenu des ménages. Nous avons critiqué les chèques distribués très largement à une majorité de Québécois.es par le gouvernement dans les dernières années, ainsi que les cadeaux fiscaux qui avantagent les mieux nantis. Cette mise à jour économique semble offrir des mesures plus ciblées, notamment par l’indexation des crédits d’impôt et des prestations gouvernementales comme l’aide sociale. Toutefois, comme le souligne le Collectif pour un Québec sans Pauvreté, ce n’est pas une hausse, mais bien un ajustement prévu par la loi des montants – déjà très insuffisants – pour éviter que le pouvoir d’achat des personnes les plus pauvres soit encore plus réduit.

Conclusion

Pendant que la ministre Chantal Rouleau travaille à l’élaboration du prochain Plan de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale (PAGIEPS) et que le Plan d’action en habitation du gouvernement du Québec est attendu, les décisions du gouvernement ne permettent pas d’envisager une réduction des inégalités. Dans le contexte actuel, marqué par une augmentation fulgurante du coût de la vie qui plonge plusieurs ménages dans l’insécurité financière, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) montre que les finances publiques québécoises se portent bien (IRIS). Nous espérons donc que le prochain budget du gouvernement de François Legault comprendra des mesures structurantes accompagnées d’investissements majeurs pour améliorer l’accès aux besoins de base pour toutes et tous. Cela passe par une augmentation des revenus des personnes les moins nantis pour atteindre le revenu viable, des investissements réservés aux logements sociaux, un réinvestissement massif dans les services publics, notamment en santé et services sociaux et en éducation, sans compter l’augmentation plus qu’urgente du financement à la mission des organismes communautaires autonomes.

Références