Le 14 mars dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS), M. Jean Boulet, annonçait un financement de 5,4 millions $ pour développer et mettre en œuvre du projet DATAide. Ce projet, pourtant financé par des fonds publics – 4 millions $ proviennent du Fonds québécois d’initiatives sociales (FQIS) du MTESSS –, sera piloté par Centraide de Grand Montréal.
L’objectif de la mesure vise à développer une culture numérique dans les groupes communautaires, en les sensibilisant, par l’entremise de webinaires et de formations, sur les possibilités et les avantages liés à la transformation numérique. Il semblerait, selon une étude financée par Centraide, que les groupes tardent à « entamer leur virage numérique, incluant le recours à l’intelligence artificielle, à l’automatisation et à la mobilisation de données massives ».
Le virage numérique a-t-il été identifié comme un besoin prioritaire par les organismes communautaires? S’agit-il d’une mesure structurante pour répondre aux besoins numériques des personnes en situation de vulnérabilités?
Pour pouvoir acquérir du matériel informatique (ordinateurs, logiciels, etc.), les groupes devront se faire accompagner par des « spécialistes en données et en technologie » engagés par Nord Ouvert, un OBNL administré entre autres par la Fondation McConnell. Parmi les éléments de formation figurent la culture des données et le développement de services en ligne.
À qui serviront les données? Pourquoi la collecte de données est-elle au cœur du projet si l’objectif est de combler le « fossé numérique »? Si la fracture numérique touche davantage les personnes en situation de vulnérabilités, forcer « l’avancée numérique » des groupes pourrait-elle, au contraire, amplifier leur exclusion?
L’automatisation des tâches et l’intelligence artificielle peuvent-elles répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de l’intervention sociale et de l’action communautaire? Comment cette avenue pourrait contribuer à créer du lien social et à animer nos milieux de vie? La collecte de données, quant à elle, peut constituer une menace à la confidentialité, encourager une reddition de comptes plus contraignante, voir même porter atteinte à l’autonomie des groupes. Et recueillir davantage de données auprès des personnes participantes peut carrément être un frein à leur participation.
Le RIOCM suit activement ce dossier, en collaboration avec d’autres regroupements, afin que le gouvernement réponde adéquatement aux besoins des groupes. Car s’ils avaient un financement de base suffisant, les groupes seraient en mesure de répondre durablement aux besoins qu’ils ont identifiés, y compris leurs besoins technologiques, via notamment leur vaste réseau de formateurs compétents et respectueux de leur mode de fonctionnement et de leurs valeurs.
Restons à l’affût!