La réforme des commissions scolaires : un échec annoncé pour cause de plagiat

Le 8 février dernier, le gouvernement du Québec a adopté, sous baillon, la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires. Cette réforme, présentée comme administrative, aura d’après nous des effets néfastes sur l’égalité des chances, un principe qui doit être au cœur de notre système d’éducation.

Tout d’abord, rappelons que cette loi n’aboli pas les commissions scolaires, mais plutôt les commissaires scolaires élus. Les commissions scolaires, comme entité administratives, demeurent et s’appellent maintenant des Centre de services (CS) (ce qui est plutôt pratique pour conserver les acronymes usuels : la CSDM, par exemple, demeure la CSDM, soit le Centre de service de Montréal). Les commissaires élus et redevables à la population sont remplacés par un conseil d’administration dont la loyauté ira d’abord à l’institution. Les commissaires avaient une grande liberté de parole sur la place publique et la possibilité de porter des dossiers particuliers, permettant une forme de protection des certains élèves vulnérabilisés. En contrepartie, les directions générales des CS auront davantage de pouvoir, mais un devoir d’allégeance envers le ministre : c’est entre les mains de ce dernier que résidera réellement le pouvoir. Il s’agit d’une perte nette pour la démocratie de proximité. En cela, cette réforme rappelle celle du ministre Barrette en santé.

Cinq ans plus tard, la réforme en santé a-t-elle donnée les résultats escomptés? A-t-on fait d’importantes économies bureaucratiques afin d’offrir plus de services à la population? Y a-t-il moins de listes d’attentes? Les soins sont-ils de meilleur qualité? Le personnel du Réseau est-il moins essoufflé? L’omerta, la centralisation des décisions et l’hyper-contrôle des processus et des services (monitorage, méthode Lean, etc.) qui ont été instaurés contribuent à la dégradation des services. Le cas de la DPJ est flagrant à cet égard.

On peut malheureusement craindre des effets similaires dans le système d’éducation.

Au chapitre des enjeux inquiétants découlant de cette réforme, notons une « mise en compétition » des écoles, en leur laissant davantage d’autonomie (quelle autonomie réelle?) et en amoindrissant les barrières territoriales. On ouvre la porte toute grande au magasinage d’école, même au primaire! On renforce ainsi le système existant à 3 vitesses (privé – public sélectif – public « ordinaire »), décrié par de nombreux organismes, chercheurs et acteurs du milieu de l’éducation, en perpétuant les inégalités sociales plutôt que de les combattre. Cette loi, qu’on peut qualifier de « réforme structurelle », ne s’attaque en rien aux problèmes criants vécus dans les écoles : surpopulation, vétusté, ségrégation sociale, manque de services aux élèves en difficulté, piètre intégration des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, pénurie de personnel, décrochage des élèves et des enseignants*. L’éducation doit à tout prix redevenir un outil collectif pour réaliser la justice sociale.

* Éducation : le système du Québec, « un boulet » pour le Canada, Jean-Philippe Guilbault, Radio-Canada, 30 septembre 2019.