Essentiel, le communautaire?

Publié dans La Grogne au printemps 2021, un journal 100% communautaire piloté par la Coalition contre la pauvreté de la Petite Patrie (CCPPP) 

Devant la faiblesse du filet social, les organismes communautaires sont souvent la dernière porte à laquelle cogner pour les personnes qui subissent les contrecoups de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Nombreux sont celles et ceux qui ont eu besoin d’un coup de main supplémentaire cette année. Les organismes communautaires ont répondu présents, mais ont-ils eu les moyens de le faire?

L’essentiel mouvement communautaire

Le tissu communautaire québécois est une des composantes du filet social, au côté des services publics (hôpitaux, écoles, CHSLD, CPE, transport en commun, etc.) et des programmes sociaux (assurance-médicaments, aide sociale, assurance parentale, logements sociaux, etc.). Il n’est plus possible d’ignorer que le filet social est en mauvais état au Québec, en raison des coupures massives opérées au nom de l’austérité prônée par les gouvernements successifs des dernières années.

Près des populations, les organismes communautaires sont souvent les premiers à rendre visibles leurs situations. Bien que ce ne soit pas leur rôle initial, ils se retrouvent souvent à pallier le manque de services publics, en accueillant les oubliés du système. Cette tendance s’est accentuée avec la crise de la COVID-19.

Plusieurs groupes ont rapidement réorganisé leurs activités pour répondre aux besoins de base les plus urgents, en offrant par exemple de l’aide alimentaire.  Ils ont aussi pointé les impacts inégaux de la crise et des mesures sanitaires sur certaines populations et dénoncé les angles morts du gouvernement, dans les médias ou lors des cellules de crise mises en place par les institutions (Ville de Montréal, Santé publique, etc.). Plusieurs solutions ont ainsi été apportées, par exemple, exclure les personnes en situation d’itinérance du couvre-feu ou obtenir des fonds d’urgence.

Les fonds d’urgence accordés pour aplanir la courbe des inégalités

Reconnaissant le travail essentiel des organismes, tous les paliers de gouvernement ainsi que de nombreuses fondations privées ont accordé des sommes supplémentaires aux organismes communautaires dès le printemps 2020. Comme plusieurs organismes ont maintenu ou intensifié certaines activités, on pourrait croire que ces fonds d’urgence ont répondu à l’augmentation des demandes. Pourtant, il n’en est rien.

Nombreux sont les organismes qui n’ont pas eu accès aux sommes. Plusieurs fonds exigeaient un travail imposant de reddition de comptes que les organismes, déjà débordés et en manque de personnel, ne pouvaient se permettre. Aussi, l’échéance très serrée pour dépenser certaines sommes s’est avérée inappropriée : la détresse des populations ne s’arrêtera pas au 31 mars ou avec la vaccination de masse. Ironiquement, certains fonds annoncés n’ont même pas été distribués en entier, car des critères administratifs en ont restreint l’accès.

Le communautaire à bout de souffle

Les gouvernements mettent en place des mesures généralisées à l’ensemble de la population, et ils comptent souvent sur le milieu communautaire pour rejoindre les populations les plus isolées. Sont-ils à l’écoute des demandes des organismes qui accomplissent ce travail essentiel? Nous pouvons en douter. Le milieu communautaire continue d’apprendre, lors des points de presse, que le gouvernement compte sur eux, sans avoir vérifié préalablement si les organismes ont les ressources pour y arriver. Ce fut récemment le cas pour le transport des aînés vers les centres de vaccination.

Malgré le manque de ressources flagrant, les organismes communautaires mettent les besoins des populations au premier plan. Ils se démènent toujours davantage pour ne laisser personne derrière. La COVID-19 donne un grand coup et use encore davantage un milieu déjà sous-financé. Plusieurs organismes ont surinvesti pour s’assurer de combler les besoins individuels, aux dépens de l’aspect collectif de leur mission. Cela s’est fait au détriment de la santé physique et mentale des employé es.

Le communautaire prend soin du monde; il est temps de prendre soin du communautaire afin qu’il puisse continuer à soutenir les populations les plus marginalisées!

Le traitement-choc demandé : un réinvestissement à la mission

Les organismes communautaires autonomes, regroupés à la grandeur du Québec sous la bannière de la campagne Engagez-vous pour le communautaire, demandent un réinvestissement massif de l’État québécois dans le financement à la mission globale. Ils réclament des fonds stables et garantis pour combler leurs besoins de base : payer le loyer, donner un salaire décent à leurs employé es, réaliser leurs activités. Cette stabilité financière est essentielle aux groupes pour qu’ils puissent adapter leurs activités aux besoins des populations et mettre en œuvre les solutions proposées par les communautés elles-mêmes.

Bien que des fonds d’urgence soient indispensables, il est maintenant plus que temps d’investir durablement pour assurer l’avenir du mouvement communautaire québécois. Ainsi, les organismes passeront moins de temps à chercher du financement ou à justifier leurs dépenses. Ils pourront se consacrer pleinement à la réalisation de leur mission : faciliter la participation de tous les citoyennes et citoyens à la société vers une plus grande justice sociale.

Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)

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