L’action communautaire autonome au temps de la COVID-19 : gros plan sur l’Observatoire de l’ACA

La crise de la COVID-19 a mis en lumière le caractère indispensable du mouvement d’action communautaire autonome. La couverture médiatique sans précédent des inégalités sociales, exacerbées par la crise, a aussi révélé le travail des organismes communautaires luttant pour une plus grande justice sociale. Par leur ancrage dans les communautés, les groupes d’ACA ont réussi à rejoindre les personnes oubliées de la crise et à répondre efficacement à l’urgence. En contexte pandémique, mais c’est aussi le cas depuis de nombreuses années, ils ont dû se substituer au filet social déficient avec des moyens toujours aussi insuffisants. Nous le savons, la COVID-19 a des impacts importants sur les populations. Elle en a aussi sur les groupes communautaires et c’est ce que l’Observatoire de l’ACA se propose d’analyser (L’Observatoire de l’ACA — Par et pour l’action communautaire autonome).

En plus du caractère tout à fait extraordinaire de la période et du contexte étudiés, la rareté des recherches d’envergure sur l’ACA rend l’entreprise aussi riche et importante que complexe. Cela se traduit, d’une part, par des choix déchirants quant aux thématiques à étudier en priorité et, d’autre part, par l’adoption de points de vue et processus de recherche les plus inclusifs possible. Ce rôle revient au comité d’encadrement de la recherche composé du RIOCM, représentant de la CTROC, du Réseau des tables régionales des groupes de femmes du Québec, du Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD), de Relais-Femmes, en plus d’une chercheuse de l’UQAM (Annie Camus) et des regroupements nationaux fondateurs de l’Observatoire : la Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC) et le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA).

Les trois positionnements de départ ou lignes directrices modulant le processus de recherche sont :

  1. L’approche PAR et POUR l’ACA
  2. L’analyse féministe intersectionnelle
  3. L’inclusion des groupes en marge de l’ACA

La première approche a déjà donné lieu à des consultations exploratoires sous formes multiples (groupes de discussion, sondage ouvert à tous, assemblée publique) afin que le milieu communautaire puisse pointer les thématiques à prioriser. Autrement dit, les plus grands impacts à documenter et, surtout, les données les plus porteuses pour appuyer nos luttes. Ces occasions ont également permis aux groupes d’échanger sur leurs expériences de la crise ; des moments aussi précieux qu’essentiels pour sortir de l’urgence et réfléchir aux pratiques d’ACA. Les résultats de ces consultations seront diffusés au début 2021 et orienteront les sujets et l’échantillonnage des groupes de discussion prévus à l’hiver. Enfin, la présentation des données recueillies, dès le printemps 2021, dépendra des besoins exprimés par les groupes et le mouvement d’ACA.

Alors que la collecte de données avance à grande vitesse, la deuxième et la troisième approches se déploient progressivement. Pour l’analyse féministe intersectionnelle, cela se fait d’abord par l’ajout de questions dans le sondage quantitatif développé en collaboration avec l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) afin d’obtenir des données diversifiées (sexe, âge, situation : personne à statut d’immigration précaire/réfugiée, issue des Premières Nations, en situation de handicap, racisée) sur :

  • les populations rejointes par les groupes
  • la composition des équipes de travail dans le milieu communautaire.

En fait, les inégalités systémiques peuvent être appréhendées par l’étude des populations les plus touchées par la crise sanitaire (femmes, personnes aînées, quartier à forte densité de populations immigrantes et racisées, etc.) et des populations qui ont fréquenté les organismes ou qui leur ont demandé de l’aide, mais aussi par l’observation des transformations dans la composition des équipes et des conditions de travail dans les groupes d’ACA. D’ailleurs, ce dernier chantier est aussi pertinent que vaste et l’Observatoire de l’ACA collabore avec l’équipe du Groupe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), qui poursuivra ses travaux (Rapport de recherche, octobre 2020) en période de crise.

Finalement, l’Observatoire souhaite documenter les expériences des groupes qui s’identifient aux huit critères de l’ACA, mais dont la voix est rarement entendue, malgré leur dynamisme pendant la crise. On peut penser aux groupes en attente d’un premier financement à la mission globale, à ceux qui ne sont pas encore reconnus par le gouvernement provincial ou encore à ceux qui ne sont pas membres d’un des regroupements d’ACA. Quelques stratégies sont élaborées pour relever le défi de rejoindre ces groupes « en marge » de l’ACA.

En cette fin d’année marquée par l’incertitude, l’Observatoire de l’ACA est un phare permettant de garder le cap sur nos revendications en vue des prochains budgets gouvernementaux hautement déficitaires et du nouveau Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire (PAGAC), attendu au printemps. Souhaitons que cette initiative soit pérennisée au-delà de la crise sanitaire pour continuer à documenter les transformations du mouvement d’ACA et valoriser le travail de transformation sociale de ce mouvement unique au monde.